Le Huitième Jour (Jaco van Dormael, 1996)
Harry est un homme seul qui se voue sept jours sur sept à son travail. Tout va basculer quand il va rencontrer Georges, une personne trisomique qui vit dans l'instant. Ces deux êtres que tout oppose vont devenir inséparables. (Source : AlloCiné)
Pays de production: France, Belgique
Présentation du/des personnage(s) déficient(s)
Georges est atteint de trisomie 21 et vit en institut depuis que sa mère est décédée. On voit également d’autres jeunes trisomiques dans l’institut qui deviennent les compagnons de Georges (par exemple, Nathalie, l’amoureuse de Georges).
Regard porté sur la déficience
Le Huitième Jour nous présente Georges, un homme atteint de trisomie, qui voit la vie différemment. Nous observons son quotidien à l’institut pour personnes trisomiques où il vit, puis sa fugue, sa rencontre avec Harry (non déficient), et les aventures – parfois drôles, difficiles, ou positives – qu’il vit avec lui. Le film montre les qualités de Georges, comme sa capacité à apprécier la nature, son enthousiasme pour les enfants, sa curiosité, mais aussi ses difficultés : son incapacité à contrôler ses émotions et ses caprices.
Les difficultés rencontrées par Georges du fait de sa déficience sont illustrées à plusieurs reprises dans le récit. On remarque, par exemple, que plusieurs personnages du film ont un mouvement de recul lorsqu’ils découvrent sa déficience. Harry essaie même de dissimuler la trisomie de Georges en lui mettant des lunettes de soleil, ce qui fonctionne temporairement. La serveuse d’un restaurant à qui Georges fait du charme s’enfuit en courant - et s’excuse comme si elle avait honte d’avoir "abusé" des flatteries de Georges - lorsqu’il retire ses lunettes de soleil. Dans une autre scène, le comportement d'une vendeuse dans un magasin de chaussures change brusquement lorsque Georges se tourne vers elle et qu’elle prend conscience de son handicap. Elle le sert mais prend peur lorsque Georges fait une crise lorsque la vendeuse lui dit qu'il n'a pas assez d'argent pour payer ses chaussures. Apeurée, elle fait appel au chef de magasin qui insiste auprès d’Harry pour que Georges sorte. Touchée, ou peut-être pour l’encourager à partir, la vendeuse cède et offre les chaussures à Georges qui sort, satisfait. Le film présente aussi les moqueries dont sont victimes les personnes trisomiques, notamment à travers l'utilisation du terme de "mongole". Mais Georges s’approprie cette insulte et en fait quelque chose de positif : au début du film, on l’observe regardant un reportage sur la Mongolie et le peuple Mongole, et George déclare avec fierté qu’il est né en Mongolie. Mais ce qui nous semble particulièrement intéressant dans la représentation de la déficience faite par le film réside dans la relation entre Georges et Harry, et ce que le premier apporte au dernier. Alors qu’au début du film, c’est Harry qui prend soin de Georges, un tournant significatif s'opère et les rôles s’inversent : Georges calme et console Harry dans sa colère et sa détresse. De plus, à la fin du film, Harry adopte certains comportements de Georges : il déclare « mon copain Georges » en pleine conférence (comme Georges qui déclarait « mon copain Harry » fréquemment) ; il se joint à l’aventure avec Georges et ses amis de l’institut lorsqu’ils volent un minibus, s’introduisent dans un parc d’attraction et font un spectacle de feux d’artifices sur la plage. En se comportant comme Georges, Harry retrouve le sourire et le goût de vivre.
Georges, comme beaucoup d’autres, cherche simplement à nouer des liens, tant familiaux (avec sa mère, décédée, qui lui apparait régulièrement, et sa sœur), qu’amoureux (avec Nathalie, elle aussi trisomique), et amicaux (avec Harry). Le Huitième Jour présente sans détour les difficultés rencontrées par la famille d’une personne trisomique, notamment par la sœur de Georges qui « a tout donné » et qui souffre encore que leur mère l’ait délaissée pour s’occuper exclusivement de Georges. Pour sa mère, en revanche, Georges est « le plus beau des cadeaux ». Du point de vue amoureux, les sentiments entre Georges et Nathalie sont réciproques et vont jusqu’aux relations intimes, ce qui demeure encore aujourd'hui un tabou notable lorsqu'il s'agit de représenter la vie de personnes déficientes. Enfin, sa relation amicale avec Harry, difficile au début, puis harmonieuse ensuite, se finit tragiquement lorsque Georges prend conscience que sa présence empêche Harry de renouer avec sa famille. Désireux de retrouver sa mère, il se suicide le sourire aux lèvres, mais non sans avoir apprit à Harry à être de nouveau heureux.
Au début du film, une scène illustre l'interprétation de Georges des sept jours de la création : l’herbe coupée « qu’il faut consoler », la création du vent, des nuages, etc. Nous sommes ainsi projetés dans la tête de Georges et sa perception des éléments importants de la création, qui s’arrêtent au septième jour. Une autre scène, dans la seconde moitié du film, nous montre Georges et Harry allongés côte à côte dans l’herbe, profitant d’une belle journée au pied d’un arbre - ils sont égaux. À la fin du film, c’est à Harry de narrer sa vision de la création. Ayant de nouveau appris à apprécier la vie, il fait sienne la vision de Georges et y ajoute un huitième jour : la création de Georges.