Le Pays des Sourds (Nicolas Philibert, 1992)

Résumé du film

À quoi ressemble le monde pour les milliers de gens qui vivent dans le silence ? Quiconque s'est aventuré au Pays des Sourds aura été frappé par l'étrangeté de cette chorégraphie de signes qui leur permet de s'exprimer. Élaborés depuis la nuit des temps, ces signes constituent une véritable langue, où chaque mot, chaque unité de sens, se traduit par une image que l'on trace dans l'espace. Ces signes, aussi précis et nuancés que la parole, peuvent, au moins autant qu'elle, se prêter aux déclarations amoureuses comme aux descriptions techniques les plus détaillées. Jean-Claude, Abou, Philo, Hubert, Karine et tous les autres, sourds profonds depuis leur naissance ou les premiers mois de leur vie, rêvent, pensent, communiquent en signes et voient le monde différemment. Avec eux, nous irons à la découverte de ce pays lointain où le regard et le toucher ont tant d'importance. Ce film raconte leur histoire, et nous fait voir le monde à travers leurs yeux.     

Pays de production: France    

le pays des sourds poster

                                                          

Type de déficience
Date de sortie
1993-08-01
Genre cinématographique
Principal ou Second Rôle
Principal
Analyse

Présentation du/des personnage(s) déficient(s)
Dans Le Pays des sourds, tous les personnages (des enfants aux adultes et personnes âgées) sont malentendants, excepté certains enseignants et parents.

Regard porté sur la déficience
Le Pays des sourds nous invite à découvrir la vie et la perception du monde depuis la position de personnes malentendantes, et ce en partie à travers une série de portraits d’individus malentendants d’âge et de classes sociales variés. Le documentaire ne présente pas la surdité comme un manque, mais nous force plutôt à constater que la société continue, dans bien des cas, à faire ressentir aux malentendants qu’ils sont à part. En effet, ces portraits très variés s'attachent presque tous à mettre en avant la douleur et la difficulté d'être relégué.e.s aux marges de la société par la société, et ce depuis leur plus jeune âge. Cela a d’ailleurs contribué à créer des liens particulièrement forts au sein de la communauté malentendante. Les portraits sont entrecoupés par des scènes de vie du quotidien (à l’école, au club de retraités, etc.) et sont présentés un par un, chaque individu narrant son expérience en langue des signes avec comme bruit de fond, le chant des oiseaux du parc où ils sont interviewés. Il est en effet important de noter que le réalisateur n’insère aucun autre son que ceux, naturels, des bruits environnants, comme s’il cherchait à reproduire un univers acoustique qui se rapproche de celui dont font l’expérience les personnes malentendantes. Une telle démarche semble aussi, selon nous, avoir pour but de "donner la parole" aux personnes malentendantes sans que celle-ci ne soit encadrée ou prise en charge par des commentaires en voix-off, comme cela peut souvent être le cas dans des oeuvres documentaires (qu'elles soient ou non en lien avec la question de la déficience). Dans ce documentaire, les personnes malentendantes sont seules en charge de leur récit, et la mise en scène a pour fonction première de créer un espace au sein duquel la diversité des parcours peut trouver à s'exprimer. Plusieurs scènes du documentaire ont d'ailleurs pour objectif de souligner que les malentendants peuvent tout à fait effectuer des activités diverses et habituellement perçues comme étant réservées à u public entendant, comme la scène inaugurale d'une chorale "chantant" en langue des signes ou celle mettant en scène des personnes malentendante jouant une pièce de théâtre en utilisant le mime.
Plusieurs personnes interrogées mentionnent également qu’elles ont eu un "déclic" qui les a sorties de leur isolement, soit à travers la rencontre d’autres malentendants, soit par l’apprentissage de la langue des signes. Le documentaire présente d’ailleurs la section spécialisée pour enfants malentendants au sein d’une école classique où les enfants apprennent ensemble et où se nouent des liens évidents via l’entraide et le sentiment d’appartenance à leur communauté qui unit les enfants malentendants.
Le documentaire fait un réel effort pour contrer les stéréotypes liés à la déficience auditive et présenter avec simplicité la réalité - dans toute sa diversité - d’une personne malentendante, tant par la "normalité" d’un mariage que dans les difficultés à échanger avec des entendants lors de la recherche d’un appartement en location. Il présente également de nombreux éléments qui visent à éduquer le public et l’oblige à explorer de nouvelles perspectives : le fait que la langue des signes ne soit pas internationale, la déception d’un père malentendant à l’annonce que sa fille est entendante, le rejet d’appareils auditifs et la recherche du silence, etc. Nous apprenons que la surdité est vécue différemment par chaque personne car, dans certaines familles, elle se transmet de générations en générations, alors que dans d’autres, la personne malentendante est seule et souvent isolée, chaque situation présentant des défis spécifiques.
En conclusion, Le Pays des sourds, tant dans son contenu, que dans sa forme, cherche profondément à nous sensibiliser de la manière la plus juste et vraie possible la vie des malentendants à tous les âges de la vie, de la naissance, à l’école primaire, à l’adolescence, à l’âge adulte, et enfin, à la retraite.