Cavalcade (Steve Suissa, 2005)
Il y a des hommes qui ont tout et d'autres qui ont plus encore. Léo est de ceux-là. Noctambule branché, dragueur impénitent et figure de la jet-set, Léo dévore la vie comme d'autres la rêvent. Jusqu'au jour où tout bascule brutalement, un matin, au fond d'un ravin. Pour Léo commence alors une nouvelle vie dans un corps qui ne lui obéit plus. Parce qu'il s'est cru mort, Léo va se découvrir vivant. Parce qu'il n'a pas su toujours aimer, il va apprendre ce qui compte vraiment. Pour lui, bien plus qu'une fin, cet accident marque le parcours d'un homme qui, au milieu des siens, va tenter de reconquérir tout ce qu'il possédait, sans même le savoir. Cavalcade est une histoire vraie adaptée du roman autobiographique de Bruno de Stabenrath. (Source : AlloCine)
Pays de production: France
Présentation du/des personnage(s) déficient(s)
Léo, personnage principal, qui devient tétraplégique à la suite d’un accident de voiture. Nous voyons aussi d’autres personnes déficientes motrices à l’hôpital où il fait sa rééducation.
Regard porté sur la déficience
Cavalcade utilise plusieurs effets de mise en scène afin de sensibiliser le public à la nouvelle déficience de Léo au fur et à mesure qu’il la découvre. Dans la première scène, on entend la voix de Léo qui dit ne plus voir et ne plus entendre : en écho à ses propos, la caméra opère un plan flouté et les sons deviennent assourdis, afin de reproduire par le biais de l'audiovisuel le bouleversement physique vécu par Léo. Dans une autre scène, Léo retrouve une jeune femme pour boire un verre et, lorsque celle-ci s’en va, un plan en plongée la montre descendant d’immenses marches et s’éloigner de Léo, qu’un plan en contre-plongée nous montre ensuite sur son fauteuil roulant, en haut des marches, celles-ci séparant inexorablement les deux amants pour toujours. Vers la fin du film, on observe également un autre effet de mise scène où la déficience de Léo le marque comme 'différent' de la société des valides lors d’une soirée dansante avec ses amis. Alors que tous se lèvent pour aller danser, la mise en scène alterne entre des plans sur Léo, assis, qui les regarde, et ses amis, debout, qui dansent. Nous prenons conscience, en même temps que Léo, qu’il ne dansera plus jamais.
Cavalcade présente également certaines ironies, perceptions surprenantes et nouvelles, et caricatures liées au handicap. Par exemple, au début du film et avant son accident, Léo se gare avec désinvolture sur une place réservée aux personnes handicapées. Il est alors houspillé par son frère, choqué, qui lui demande de se garer ailleurs. Cette scène semble annonciatrice de l’accident de Léo car le film montre l’accident de Léo au début du film et opère ensuite un flash-back afin de montrer les évènements qui aboutiront à l’accident. Le film présente également les différentes perceptions - parfois surprenantes - de l’objet qui, dans l’inconscient collectif, 'identifie' le plus souvent la personne en situation de handicap: le fauteuil roulant. Par exemple, lorsque Léo se rend dans un magasin de fauteuils roulants et doit en choisir un, le vendeur les présente comme des voitures (couleurs, style, etc.). Lors d’une autre scène, Léo croise un enfant en poussette qui lui demande « c’est quel genre de poussette, ça ? » Ces scènes nous forcent à considérer le fauteuil roulant, symbole ultime du handicap, d’une autre manière, en nous forçant à le voir à travers les yeux d’autres personnages au référentiel complètement différent. Le film exprime par-là une volonté de 'dédramatiser' le handicap en examinant de plus près les types de fauteuils de roulants existants (ce que beaucoup ne savent pas) et en démontrant qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’un moyen de locomotion au même titre qu’une poussette.
Nous observons aussi Léo passer par tous les stades d’acclimatation à sa nouvelle condition : du choc, à l’acceptation (feinte) de sa condition, aux difficultés d’adaptation physiques (sonde urinaire, rééducation, douleurs fantômes, etc.), à l’humour noir et moqueur, à la prise de conscience intime de sa nouvelle condition (dépression, tentative de suicide), à son acceptation et à sa volonté de reprendre une vie 'normale' quoique différente de celle qui était la sienne avant l'accident (renouer des relations intimes, donner des cours de musique, être reconnaissant du travail de ses amis, etc.). Cependant, ces étapes, attendues suite à un accident affectant les capacités motrices d’un individu, sont parfois représentées de façon caricaturale : la première kinésithérapeute qui se conduit de manière extrêmement autoritaire, Léo qui drague les infirmières, etc. Le film aborde également certains aspects liés à la réalité du quotidien de la personne en situation de handicap rarement représentés à l’écran. Il est par exemple fait mention à plusieurs reprises des difficultés financières qui peuvent s’ensuivre après un accident ou bien en cas de handicap, tels que le remboursement très partiel de la Sécurité Sociale, ou le coût exorbitant de produits et de services essentiels (fauteuil roulant, infirmière à domicile). De tels choix narratifs nous permettent d’être témoins de la rééducation/reconstruction de Léo au quotidien, sur le plan physique aussi bien que moral. En effet, dans la dernière scène du film, la voix de Léo nous indique qu’il est maintenant « tétraplégique vivant » à l’inverse du Léo d’avant, sans déficience, et qui, même s’il ne l’avait pas formulé par des mots, se sentait comme « mort » et/ou du tétraplégique dans le déni. Dans Cavalcade, la déficience est donc présentée comme une libération de l’être, une reprise de conscience de la vie au fur et à mesure que Léo accepte sa condition, ralenti son rythme de vie, et devient plus réfléchi, plus conscient de ses nouvelles capacités.