Dans La Terrible Jungle (Ombline Ley et Caroline Capelle, 2018)

Résumé du film

A l'Institut médico-éducatif La Pépinière, à Loos, bourgade du Nord de 21 000 habitants, des adolescent.e.s en situation de handicap à des degrés divers, suivent une formation pour rejoindre un établissement et service d’aide par le travail (ESAT), seul espoir pour beaucoup d’entre elles/eux. Chacun.e s'interroge sur les relations amoureuses, la peur de la solitude et l'avenir qui leur semble incertain...
(Source : Programme TV, paraphrasé)

Pays de production: France

Dans la terrible jungle poster

 

Type de déficience
Date de sortie
2019-02-13
Genre cinématographique
Principal ou Second Rôle
Principal
Analyse

Présentation du/des personnage(s) déficient(s)
Tous les personnages présentent des formes de déficiences, excepté les encadrants et enseignants.

Regard porté sur la déficience
Dans la terrible jungle nous offre un regard à la fois intime et distancié sur des adolescent.es déficient.e.s : nous les observons dans leur vie privée, leurs échanges avec les autres, leurs moments difficiles, et pourtant, l’absence de narration et d’explication force - au début - une certaine distance, comme une série de portraits intimes et intrigants vus de loin. Le récit est construit sur les interviews des adolescent.e.s et sur des scènes qui s'attachent à observer leurs interactions. Cependant, au fur et à mesure nous découvrons de près la réalité de leur quotidien : leurs joies, leurs peines, leurs amours, leurs amitiés, leurs luttes personnelles et sociales, leurs apprentissages, et leurs rêves.
La déficience occupe une place principale dans la vie des personnages qui comprennent qu’ils sont "différents" et parviennent, avec clarté, réalisme et bienveillance, à accorder leurs désirs ainsi que leurs attentes avec la réalité de leur déficience : lors d’une conversation sur leur futurs métiers, Léa explique à son amie que son rêve « d’être secrétaire nécessite de longues études » ce qui sous-entend qu’elle ne pense pas en avoir les capacités. Ces adolescent.e.s vivent avec leurs déficiences, et non pas en dépit d’elles - ils/elles perçoivent le monde à leur manière, unique, développent leurs talents, et adaptent leurs capacités sensorielles.
Cependant, même si tous les personnages vivent "en marge" de la société des valides, dans un institut spécialisé, du fait de leur déficience et hors du cadre familial traditionnel, de nombreux parallèles nous invitent à les découvrir et à retrouver, en eux, des échos à notre propre existence. Comme beaucoup d’adolescent.e.s, ils se posent des questions, imitent le comportement des autres, défient certaines normes, se cherchent, revendiquent leur identité, se construisent. Il y a un désir de normalisation de la déficience qui cherche à mettre en avant ce qui unit la personne valide et la personne déficiente, plutôt que ce qui les sépare.
Malgré les parallèles qui peuvent se faire entre personnes valides et déficientes, certaines scènes nous rappellent néanmoins que la personne déficience a un rapport à l’existence différent, qui nécessite une prise en charge et des ajustements spécifiques : Ophélie malvoyante se retrouve buste nu car elle ne sait pas fermer son gilet à fermeture éclair ; ou encore Gaël se jetant par terre, dans les bois, puis contre un arbre, de toutes ses forces, et renversant un banc pendant une session d’apprentissage de la tonte en forêt. Tout comme Éric, éducateur, dans cette scène, nous sommes déconcertés par le déchaînement de violence de Gaël, mais comme Éric ne se laisse pas démonter, nous cherchons ensuite à comprendre le sens du comportement de Gaël, qui avait un besoin aigu de "décompresser". De fait, les personnages vivent et ressentent les mêmes émotions que celles que l’on pourrait s’attendre à trouver chez un.e adolescent.e non déficient.e. Le film utilise donc la spectacularisation afin de nous faire comprendre que bien que ces comportements puissent faire partie intégrante du quotidien de la personne déficiente, ils représentent simplement une manière différente pour celle-ci d’exprimer ses émotions. De fait, même si elle peut nécessiter des ajustements spécifiques, la déficience n’est pas représentée de manière dévalorisante, mais plutôt comme une autre condition de l’être.