Le Grand Bain (Gilles Lellouche, 2018)
Après deux ans de congé maladie pour dépression, Bertrand, 40 ans, marié et père de famille, se retrouve au chômage. Il rejoint une équipe de natation synchronisée masculine coachée par Delphine, une ancienne championne de la discipline. Cette équipe est composée notamment de Laurent, manager colérique, Marcus, PDG d'une entreprise en faillite, et Simon, rocker raté. Bertrand y découvre la solidarité et l'amitié, mais sa nouvelle activité suscite l'incompréhension, voire les moqueries de son entourage. Bertrand et son équipe font un pari fou : participer aux championnats du monde de la discipline qui ont lieu en Norvège. (Source : Programme TV)
Pays de production: France
Présentation du/des personnage(s) déficient(s)
Amanda, ancienne championne de natation synchronisée devenue paraplégique suite à un accident, apparaît dans la seconde moitié du film.
Regard porté sur la déficience
Le Grand bain ne présente pas la déficience comme un frein à l’insertion d’Amanda en société, bien au contraire. Hormis l’impossibilité physique de prendre part à des compétitions au même niveau qu’avant son accident, Amanda évolue avec l’équipe et encadre les entrainements, que ce soit en piscine, ou au dehors sur des terrains escarpés. Même si le film montre une douleur et une colère que l’on peut s’attendre à retrouver chez un personnage pour qui il y a un "avant" et un "après" la perte de motricité, le film cherche plutôt à déjouer les stéréotypes traditionnellement associés au handicap moteur : manque de motivation, dépression, immobilité. Amanda est en effet aux antipodes de ce à quoi l’on pourrait s'attendre d’une personne en fauteuil roulant : elle est autoritaire, agressive, presque tyrannique, mais elle se montre également une entraineuse d’exception, motivante et précise. Une telle attitude amène le public à se questionner : ces traits de personnalité sont-ils des conséquences de sa déficience ou bien existaient-ils auparavant ? Le personnage ne parle d’ailleurs jamais de sa déficience, ni de son origine. Dans le film, la déficience ne la définit pas.
Le film montre la déficience comme étant un facteur avec lequel il faut apprendre à vivre. C’est d’ailleurs en partie à travers le regard des membres de l’équipe masculine que notre perception d’Amanda évolue : alors que les membres - valides - se questionnent tout d'abord sur les capacités d’Amanda à les entrainer, ils en arrivent à oublier sa déficience au point de la pousser dans la piscine à la suite d’un entrainement particulièrement difficile. Cette scène forte ne cherche pas à effacer la déficience, mais plutôt à indiquer qu’Amanda n’est plus perçue uniquement par ce prisme. Le film nous permet ensuite de voir plusieurs facettes de sa personnalité, telles que son esprit de compétition, son expertise, et son esprit espiègle. Elle n’est plus considérée comme "différente" par les membres de l'équipe de natation, car elle est parfaitement capable d’accomplir son travail et y excelle sans qu’aucun obstacle ne l’arrête.
Il nous apparait cependant que, dans le film, la déficience est utilisée comme un ressort narratif, sans qu’il y ait de volonté approfondie d’arriver à une compréhension plus juste de ce que peut être la vie d’une personne déficiente. En effet, le film ne montre pas la vie d’Amanda en dehors de l’entrainement, ni ne nous fait pas partager ou ressentir la réalité de sa déficience au quotidien. Le film présente plutôt le parcours d’Amanda qui doit apprendre à vivre dans son "nouveau" corps, et le fait qu'elle continue à pratiquer sa passion malgré les limitations inhérentes à un handicap moteur. Ainsi, sa déficience ne l’empêche pas d’entrainer une équipe, de créer des liens, de partager des moments forts, et de remporter la compétition.
Le Grand bain utilise également certains ressorts scénaristes humoristiques autour de la déficience, sans que cela ne soit négatif, ni que cela s’effectue aux dépends du personnage déficient. Par exemple, le film utilise avec humour et bienveillance la déficience d’Amanda pour faire rire le public, et même parfois, Amanda elle-même. Nous voyons cela dans la scène où elle menace de descendre du lit dans la caravane en disant « Je vais me lever ! » Amanda réussit également à piéger les autres de manière comique, comme lorsqu’elle enferme l’équipe dans le sauna après avoir été poussée à l’eau.
Il est intéressant de constater que, dans Le Grand bain, Amanda n’est pas singularisée par sa déficience, mais que cette dernière "s’insère" dans une variété de problématiques dont chaque membre de l'équipe fait l'expérience. Chacun des personnages vit en effet une forme de traumatisme : dépression, solitude, mépris de soi, alcoolisme, désillusion, etc. Ces traumatismes viennent faire écho à la déficience d'Amanda afin de dresser un tableau varié de la condition humaine qui englobe les déficiences, les maladies, et les conditions psychologiques variées. Les personnages du Grand bain sont ainsi tous "similaires" dans leurs différences et réussissent ensemble. Leurs spécificités deviennent leur richesse.